Les premières observations
D’après les données de la Nasa, ce serait près de 70 % des astronautes ayant passé plus de 6 mois dans l’espace qui souffriraient, à leur retour sur Terre, de troubles visuels.
Une observation faite, entre autres, par John L.Phillips qui, après une mission de 6 mois à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS) en 2005 a constaté que sa vue avait considérablement diminué, passant de 20/20 à 20/100. Bien que celle-ci se soit améliorée dans les mois suivants son retour, il n’a jamais retrouvé son acuité visuelle initiale.
Après plusieurs examens, dont des IRM, des scanners de la rétine ou des ponctions lombaires, différents symptômes furent détectés. Parmi ceux-ci, un aplatissement du globe oculaire et un gonflement du nerf à l’arrière de l'œil.
De par leur proximité avec les symptômes de l’hypertension intracrânienne, le phénomène est dans un premier temps appelé déficience visuelle par pression intracrânienne (VIIP) avant de prendre le nom de syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux (SANS).
L’hypothèse de la circulation des fluides en microgravité
Suite à la découverte des symptômes, plusieurs théories ont été établies pour expliquer la baisse d’acuité visuelle des astronautes. Celle qui aura les faveurs des scientifiques est celle relative à la circulation des fluides en microgravité.
Les astronautes, dans les stations spatiales, vivent dans un état de microgravité. Cela signifie que les effets de la pesanteur sont quasiment absents. Cet état aurait pour conséquence le déplacement du liquide cérébrospinal vers le haut et exercerait une pression sur le nerf optique et la face postérieure de l'œil.
Le liquide cérébrospinal (ou céphalorachidien) est le fluide présent dans le cerveau et la moelle épinière. Il possède un rôle protecteur contre les chocs et les pathologies et permet d’évacuer les déchets en provenance du cerveau.
Sur Terre, le liquide cérébrospinal répond à la gravité. Il est donc attiré naturellement vers le bas. L’hypothèse des scientifiques est qu’en situation de microgravité, il serait attiré vers le haut.
Une hypothèse qui a entraîné diverses études et qui reste incertaine à ce jour.
Les recherches pour comprendre et prévenir le SANS
Depuis 2010, de nombreuses études se sont succédé et certaines sont toujours en cours.
Les recherches passées
L’étude sur la déficience visuelle par pression intracrânienne (VIIP) est la première à avoir été menée. Cherchant à prouver le lien entre le déplacement du liquide cérébrospinal et l'augmentation de la pression dans le cerveau, elle n’a malheureusement pas fourni de résultats concluants.
Un second projet, appelé Ocular Health, a eu lieu entre 2013 et 2016 et a pu démontrer que les dommages structurels observés sur les yeux apparaissent dès le début du vol vers l’espace et persistent tout au long de la mission. Une fois rentré sur Terre, il faut alors entre 30 et 90 jours pour constater une récupération.
Entre 2015 et 2020, l’enquête Fluid Shifts a, quant à elle, permis de révéler que le sang s’écoule également différemment lors d’un voyage dans l’espace en microgravité.
Les recherches actuelles
Récemment, c’est l’étude SANSORI, menée par l’Agence spatiale canadienne qui a rendu ses premiers résultats. Son objectif est d’examiner la cause du SANS et de déterminer si certaines conditions permettent de ne pas subir les changements liés à la microgravité. En effet, si 70 % des astronautes connaissent une baisse d’acuité visuelle, 30 % en sont préservés. Des propos notamment tenus par l’astronaute de la Nasa Clayton Anderson qui indique ne pas avoir eu de problème de vision après son voyage de 5 mois en 2007.
Pour le moment, les recherches confirment uniquement que la microgravité modifie la distribution du sang dans le corps. Celui-ci remonte vers la tête et entraîne un gonflement de la choroïde (paroi du globe oculaire). Si cela provoque une baisse de vision temporaire, les scientifiques indiquent que cela n’est pas inquiétant pour les séjours de 6 mois à 1 an puisque la récupération peut être totale, grâce à une correction optique adaptée (lunettes de vue, lentilles de contact).
Enfin, une étude est toujours en cours. Nommée ISAFE, elle cherche à approfondir les travaux de l’enquête Ocular Health sur les dommages observés et le temps de récupération en fonction de la durée de la mission.
Les inquiétudes concernant le futur des voyages dans l’espace
Bien qu’il n’y ait aucun cas de perte de vision permanente jusqu’ici, les scientifiques et experts des agences spatiales internationales présentent des inquiétudes concernant le futur des voyages dans l’espace, et particulièrement ceux vers la Lune ou la planète Mars.
Effectivement, si les répercussions sur la vue sont temporaires pour un voyage de quelques mois, qu’en est-il pour un séjour plus long ?
À ce jour, le syndrome neuro-oculaire associé aux vols spatiaux présente encore de nombreuses zones d’ombre. Ses causes et son fonctionnement n’étant pas maîtrisés, aucune solution pour le prévenir n’a encore été trouvée.