Qui peut développer le syndrome de Charles Bonnet ?
Le syndrome de Charles Bonnet peut toucher toute personne ayant subi une perte significative de la vision, quelle qu’en soit la cause. Il est néanmoins plus fréquent chez les personnes âgées, exposées aux pathologies dues au vieillissement oculaire.
Selon Le Monde, environ 14 % des personnes malvoyantes seraient concernées par ce syndrome. Ce chiffre grimpe jusqu’à 39 % chez les patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), principale cause de malvoyance chez les plus de 60 ans.
D'autres affections oculaires, telles que le glaucome, la cataracte ou encore la rétinopathie diabétique, peuvent également favoriser l’apparition du SCB. Il est aussi observé chez certains patients ayant subi une perte de vision soudaine, notamment après un traumatisme ou une chirurgie.
Reconnaître les symptômes du syndrome de Charles Bonnet
Le syndrome de Charles Bonnet se manifeste exclusivement par des hallucinations visuelles. Celles-ci débutent quelques semaines, voire mois, après la baisse d’acuité visuelle. Uniquement visuelles, elles ne s’accompagnent d’aucune hallucination auditive, olfactive ou tactile.
Elles se manifestent à l’état d’éveil, et non dans un contexte de rêve ou de confusion mentale et peuvent être :
- Simples : formes géométriques, points lumineux, tâches colorées.
- Complexes : objets, personnages fictifs, personnes réelles, etc.
Durant de quelques secondes à plusieurs minutes, elles se distinguent des illusions d’optique qui sont des erreurs d’interprétation dus à un stimulus réellement présent.
Dans la majorité des cas, la personne est parfaitement consciente que ce qu’elle voit n’est pas réel. Elle reste lucide et ne présente aucun trouble mental. Cependant, ces visions peuvent provoquer de la confusion et du stress, surtout si le patient ignore l’existence du SCB.
Un manque de connaissances qui peut poser problème. Parce que les hallucinations sont encore associées à tort à des troubles psychiatriques, de nombreux patients n’osent pas en parler à leur entourage ou à leur ophtalmologiste. Il arrive aussi que le diagnostic soit erroné, en particulier si le lien entre perte de vision et hallucinations n’est pas clairement établi.
Pourquoi le cerveau invente-t-il ces images ?
Pour comprendre le syndrome de Charles Bonnet, il est possible de le comparer à celui du membre fantôme chez les personnes ayant subi une amputation. Même après la perte d’un membre, certains continuent à en ressentir la présence. C’est ce que l’on appelle la désafférentation.
Dans le cas du SCB, le cerveau ne reçoit plus les signaux visuels habituels, en raison d’une atteinte sévère des yeux ou des voies visuelles. Pourtant, il continue d’agir comme si la vision fonctionnait normalement. En l’absence d’informations visuelles réelles, le cerveau comble ce vide en réactivant des images stockées en mémoire, ou en créant des visions nouvelles à partir de fragments connus.
Cela explique pourquoi les hallucinations visuelles sont généralement en lien avec des éléments familiers : personnes, animaux, objets ou scènes déjà vus dans le passé.
Comment est posé le diagnostic ?
Par crainte d’être jugé ou mal compris, les hallucinations visuelles sont rarement rapportées spontanément. C’est pourquoi, face à un patient malvoyant, l’ophtalmologue mène un interrogatoire précis, en posant des questions spécifiques sur la survenue éventuelle d’hallucinations. Cela permet de détecter un SCB que le patient n’aurait peut-être pas osé mentionner de lui-même.
Afin d’écarter toute cause neurologique ou psychiatrique, un examen clinique approfondi est recommandé. Il peut être complété par une imagerie cérébrale, comme une IRM.
Le diagnostic de syndrome de Charles Bonnet est ensuite posé si :
- les hallucinations sont exclusivement visuelles,
- le patient est lucide et conscient de leur caractère irréel,
- une perte de vision significative est présente,
- aucune autre cause neurologique ou psychiatrique n’est identifiée.
Quels traitements et solutions ?
Chez certaines personnes, les hallucinations visuelles finissent par disparaître d’elles-mêmes. Mais pour la majorité des patients, elles persistent dans le temps. Le traitement repose alors sur la prise en charge de la pathologie oculaire à l’origine de la perte de vision, lorsque cela est possible (comme dans le cas d’une cataracte, par exemple).
Pour le syndrome de Charles Bonnet en tant que tel, il n’existe à ce jour aucun médicament. Toutefois, dans les formes les plus sévères ou mal vécues, des traitements médicamenteux comme des antidépresseurs ou des antipsychotiques légers peuvent être proposés.
En pratique, ce sont surtout des approches non-médicamenteuses qui sont privilégiées. Celles-ci visent à détourner l’attention au moment des hallucinations (cligner des yeux, allumer la lumière, bouger le regard, etc.) et à offrir un accompagnement psychologique, afin d’aider le patient à se défaire du sentiment de peur ou de honte lié aux hallucinations visuelles.
Encore peu connu du grand public et parfois même des professionnels, le syndrome de Charles Bonnet est sûrement plus fréquent qu’on ne le pense. Grâce à un bon dépistage par un ophtalmologiste, il est tout à fait possible d’apprendre à vivre avec.