Claude Monet avait une cataracte
Claude Monet (1840-1926), figure de proue des impressionnistes français, est célèbre pour ses paysages et ses jeux de lumière. Cependant, vers la fin de sa vie, il a développé une double cataracte qui a affecté sa perception des couleurs et des formes. Diagnostiqué en 1912, un voile jaunâtre (conséquence de la cataracte) s’est développé et a envahi sa vision et sa perception de la réalité. Cette particularité, Monet ne l’a pas écartée et l’a retranscrite dans ses œuvres, comme on peut le voir dans Le Pont Japonais, peint en 1922 alors que sa vue baissait considérablement et qu’un de ses deux yeux ne voyait presque plus rien. La même vue de ce pont quelques années avant la maladie, dans Le jardin aux Nymphéas, 1899, arborait des couleurs plus froides et des contours plus nets. Ses peintures après 1910 revêtent ainsi une palette plus chaude, dominée par des teintes orangées et rouges, avec une perte progressive de la netteté, des détails et des perspectives et des traits plus appuyés dans ses œuvres. Ce n’est qu’après une intervention chirurgicale en 1923 qu’il retrouvera une partie de sa vision et réalisera combien sa perception avait été altérée, modifiant son approche picturale.
Edgar Degas était atteint de DMLA
Membre fondateur du mouvement impressionniste, Edgar Degas (1834-1917) a lui aussi été atteint d’une maladie des yeux. Il souffrait de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), une maladie qui détruit la partie centrale de la rétine (la macula), pouvant aller jusqu’à la cécité. La vue centrale baisse et déforme les images, mais la vision périphérique demeure. Sa vue aurait commencé à se modifier aux alentours des années 1870, période où ses œuvres s’en ressentent et prennent finalement une identité plus marquée. Dans les vingt années qui suivent, Degas est presque aveugle et ne distingue plus que la périphérie. Le « trou noir » appelé scotome masque la vision centrale. Cette caractéristique le pousse à peindre dans des couleurs plus vives. On constate aussi, comme dans les fameuses Danseuses (1884-85), qu’il simplifie sa composition et réduit la profondeur de son espace pictural. Le grain se fait parfois plus « grossier » et plus contrasté, comme dans Les Repasseuses (1884-86). C’est ce qui signera une série d’une grande intensité.
Rembrandt avait un strabisme divergent
Rembrandt (1606-1669), l’un des plus grands peintres du siècle d’or néerlandais, pourrait avoir souffert d’un strabisme divergent (un des deux yeux est tourné vers l’extérieur), l’empêchant de percevoir correctement la profondeur des objets et des scènes. On peut supposer que cette incapacité physiologique à fusionner les images de ses deux yeux ait influencé son approche unique du clair-obscur. Ce défaut visuel expliquerait pourquoi ses portraits présentent souvent des visages et des regards asymétriques et des jeux de lumière accentués. En effet, en compensant son absence de perception de la profondeur et de la symétrie par un travail minutieux des ombres et des textures, il a créé des œuvres d’une intensité dramatique exceptionnelle.
Vincent Van Gogh voyait le monde à travers une xanthopsie
La vie de Vincent Van Gogh n’a pas été de tout repos et sa vie a été autant ponctuée de souffrances psychologiques que d’accès de génie artistique. Lui aussi atteint d’un problème de vue nommé xanthopsie, il voyait la réalité à travers un voile jaune, celui-là même qui teinte un grand nombre de ses œuvres d’art. Cette déformation des couleurs serait-elle due à une conséquence de ses supposées maladies psychologiques (schizophrénie, bipolarité...) ? Pas tout à fait, elle serait plutôt due à sa consommation habituelle d’absinthe et à un médicament, la santonine, qu’il prenait pour traiter des problèmes de digestion. Deux substances nocives qui auraient accentué la maladie déjà présente. Ce jaune omniprésent dans les toiles de Van Gogh a donc une explication ophtalmique et toxicologique !
El Greco était-il astigmate ?
Le peintre Domínikos Theokópoulos, dit El Greco, était connu pour ses personnages aux formes allongées, étirées dans la verticale. Cela était-il dû à un problème de vision comme l’astigmatisme ou était-ce une intention artistique ? Après de nombreux débats sur le sujet, il semblerait qu’El Greco n’ait pas peint sous le prisme de son défaut visuel. Ses grands personnages émaciés ne seraient donc qu’un style développé volontairement, et non, comme évoqué alors, à cause de lunettes de correction mal adaptées.
Ces artistes connus ont donc été confrontés à leurs handicaps visuels, à une époque où l’ophtalmologie n'était pas aussi performante qu’aujourd’hui. Cependant, tout comme un angle de vue peut changer l’interprétation d’une image, ils ont su transcender le problème pour réaliser des œuvres qui ont marqué l’histoire de l’art. Leurs troubles de la vision ont façonné leur propre style pour proposer une autre lecture de la réalité figurative. Ou comment d’une contrainte naît le talent !